Roger Yazbeck

  Sports

 
La plongée en eau douce
 
Peu de gens pratiquent la chasse en apnée au Québec. Roger Yazbeck, lui, n'y manque pas. Dans cette dernière chronique de la saison, il nous présente les aléas de la chasse sous-marine en eau douce et ouvre les écoutilles de ses souvenirs...

C'est grâce à Internet que j'ai trouvé un compagnon de plongée qui m'initia à la plongée en eau douce. René Potvin est un joueur de hockey sous-marin chevronné et un excellent chasseur sous-marin en apnée. Il m'emmena au lac Saint-François à Valleyfield. C'est là, sous l'un des chemins de fers qui enjambent le fleuve, que j'ai tiré sur mon premier achigan. Depuis cette journée de septembre 1996, nous plongeons très souvent ensemble, chassant dorés, achigans et truites. C'est aussi grâce à mon ami René que j'ai découvert le paradis de la chasse sous-marine au bar strié d'Amérique (loup de mer) dans l'état du Rhode Island aux États-Unis. Depuis, nous y voyageons très souvent entre les mois de mai et novembre de chaque année.

Apnée et chasse sous-marine au Québec
Pour les amateurs de spectacles marins, il est à noter que notre fleuve est très riche en vie aquatique. Au fait, les eaux saumâtres de l'estuaire du Saint-Laurent abritent certaines des plus importantes variétés de cétacés au monde: du béluga, maintenant rare, et la baleine bleue, le plus gros de tous les mammifères. Malheureusement, le mouvement des courants et marées, la température trop froide ainsi que la visibilité souvent nulle en font un plan d'eau aussi difficile à explorer en plongée qu'à naviguer.

Pour plonger dans la région de Montréal, même tard en saison lorsque le fleuve est beaucoup plus clément, le lac Saint-François est une place de choix pour les raisons suivantes:

  • sa proximité de la grande région métropolitaine;
  • la clarté de son eau que l'on doit en grande partie à l'invasion de la moule zébrée;
  • la qualité ainsi que la variété des poissons qui s'y trouvent grâce à son fond d'argile et de vase. Les poissons évoluant dans les forts courants et sur fond d'argile possèdent une chair excellente pour la consommation et sans arrière-goût;
  • en hiver, on pourrait aussi plonger dans certaines parties où les courants empêchent la formation de la glace.

Attention!
À moins d'être un expert bien informé de tous les dangers inhérents à cette pratique, il serait très imprudent de se lancer dans une telle aventure. Le moindre risque pourrait être fatal. Un mauvais calcul en apnée, cela ne pardonne pas. De plus, les poissons intéressants auront complètement disparu des endroits où ils abondaient durant la saison. Pour ma part, je profite de l'hiver pour m'entraîner en salle et en piscine afin d'être en pleine forme pour la saison prochaine. Sinon, je fais des voyages de plongée dans le cadre de mon travail.

Règle générale: si vous voulez vous aventurer dans n'importe quel plan d'eau, informez-vous avant de vous y rendre et soyez toujours avec quelqu'un de plus expérimenté que vous. À mon avis, la plongée en apnée dans le fleuve comporte un risque très élevé puisque les courants y sont assez importants. Vous devez être en excellente condition physique, car vous risquez des crampes paralysantes en plus de vous essouffler dangereusement. Familiarisez-vous avec le courant à l'endroit où vous allez plonger et allez-y par étapes.

Dans le fleuve, j'ai pu observer de très gros maskinongés, carpes géantes, brochets, lépisostées, truites, dorés, achigans, perchaudes, esturgeons, anguilles, tortues et mêmes des cormorans qui filaient comme des pingouins ainsi qu'un huard couché au fond de l'eau en position de chasse. Absolument extraordinaire!


On l'appelle planète Terre. À mon avis, 'Air et Mer' seraient des adjectifs plus appropriés. Les astronautes ne voient que du bleu dans cette boule à 80% composée d'eau et enveloppée de ciel. Pour vous donner une idée, il y a plus de 400 000 lacs au Québec seulement! Dire que pendant des années, j'ai vécu sur une île sans plonger bien que je doive avouer que rien n'est comparable aux mers plus chaudes et colorées.

À part du fleuve, j'ai essayé également de pratiquer l'apnée dans trois lacs des Laurentides. Toutefois, la visibilité très réduite et l'absence de gibier de taille ont vite fait de me décourager. Je suis cependant certain qu'il doit exister des centaines de lacs et rivières au Québec où la chasse en apnée est très intéressante.

L'histoire d'une passion
Je suis un amoureux de la nature sous toutes ses formes n'ayant jamais raté une occasion pour profiter d'une randonnée de chasse ou d'une sortie de pêche. Mais découvrir la vie sous-marine fut pour moi la révélation. Depuis que je m'en rappelle, j'ai toujours porté un masque de plongée, nageant en apnée, sous l'eau peu profonde des plages de baigneurs, à la recherche de coquillages et de poissons et parfois même pour l'observation de la vie aquatique seulement.

Cependant, je dois admettre que c'est la passion de la chasse sous-marine en apnée qui m'intéresse. Pendant presque 16 ans, je n'ai pas beaucoup plongé à cause de mon travail en Arabie Saoudite (1979-1982) et de ma vie à Montréal (1982-1994) qui m'ont éloigné de l'océan. Au printemps de 1994, à la suite d'une série d'événements qui dévastèrent ma vie personnelle et professionnelle, j'ai retrouvé mon Liban natal près de la Méditerranée. Pendant plus d'un an, je n'ai fait que plonger. J'ai plongé partout où, bien des années auparavant, je n'osais même pas me mouiller. J'ai plongé tout seul au fond de ma peur, face à l'épouvante bleu-nuit, parmi les fantômes de la brunante ou entre des vagues rageuses, dans un désintéressement total des conséquences. Un jour, j'ai réalisé que j'étais au-dessus de mon insécurité et au bout de mes peines. Sorti de ma plus longue apnée depuis ma conception, j'avais du mal à reprendre mon second souffle à mon retour à Montréal.

Le site personnel de M. Yazbeck vous informera davantage sur son parcours de chasseur sous-marin et ses aventures.